Proposer un atelier philo un jour d’enterrement… bonne ou mauvaise idée ?
Pendant ces vacances de printemps, j’ai vécu l’enterrement d’un membre de ma famille. Entre l’annonce du décès et le jour de l’enterrement, j’ai eu de très belles conversations avec mes enfants, et j’ai vraiment eu l’impression que la philo pouvait m’aider à traverser cette épisode de ma vie. J’ai alors voulu proposer cette expérience à mes proches…
Aux enfants dans un premier temps, et puis certains adultes sont venus me demander un atelier spécialement pour eux en fin de journée !
Avec leur autorisation, je vous partage ici quelques extraits de leurs échanges.
Chez les enfants d’abord…
C’est quoi la mort ?
- «La mort c’est peut-être bien»
- «La mort c’est quand on ne ressent plus rien, ni les câlins, ni les émotions»
- «La mort, ça fait beaucoup d’émotions à ceux qui vivent»
Est-ce que cela nous rendrait plus heureux d’être immortels ?
- «si on était immortels, ça serait nul, parce que parfois, la vie c’est un peu ennuyant quand même»
- «c’est bien quand même d’avoir des problèmes sinon, on s’ennuie»
- «et si par exemple on a un cancer des cheveux, et qu’on souffre beaucoup, ben c’est horrible de savoir qu’il n’y aura pas de fin»
- «si t’es immortel et que tu souffres, tu pourras jamais être mort.»
- «si on savait que la vie était infini, ben parfois on aurait la flemme de faire des choses, alors que là on a envie d’en profiter !»
- «y a des choses plaisantes à faire dans la vie»
- «ce qui est bien si on est immortels, c’est qu’on peut combattre tout le monde»
- «quand t’es mortel, t’as la vraie vie, si t’es immortel, ça changerait tout»
- «ça donnerait de la force d’être immortel, tu souffres sans danger»
- «si t’as une grosse maladie, t’as envie de mourir, et tu peux pas»
D’une manière général, chez ces enfants de 5 à 9 ans, la finitude de nos vies est une donnée bien acceptée, et avec laquelle ils composent de manière plutôt positive.
Les souvenirs de la personne défunte nous rendent-ils heureux ou malheureux ?
- «Quand on a fait un jeu avec une personne et qu’elle meurt, quand on revoit le jeu, on sait qu’on ne pourra plus jamais le faire de notre vie, et ça, ça rend triste…»
- «C’est un peu nul les souvenirs de la personne morte, parce que ça nous rend triste»
- «Quand on regarde des photos, ça fait de la tristesse, et ça peut aussi faire du bonheur»
Les enfants sont plus dans le présent que les adultes et le rappel de l’absence d’une personne est désagréable pour eux. Cela peut nous inviter, au lieu de raviver les souvenirs (même bons) des moments partagés avec le défunt, à relever, avec les plus jeunes ce qu’ils ont reçu de cette personne défunte, et qui laisse une trace dans leur vie d’aujourd’hui ! 😉
…et chez les adultes ?
C’est quoi la mort ?
- La mort c’est comme un passage, la personne n’est pas vraiment morte, son esprit est là.
- La mort accidentelle est un imprévu stressant qui donne du goût à l’instant.
- La vie est un cycle sans fin.
- Notre vie est finie, et ce n’est pas un cycle.
- La vie est finie, mais l’amour est infini. Et c’est parce que notre vie est finie qu’il y a urgence à partager l’amour.
- Grâce à la mort, la vie c’est maintenant et pas demain.
- Pendant notre vie on plante des graines, elles pousseront même si on meurt.
- La mort apporte des émotions mêlées.
Malgré des visions et compréhensions très variées au sujet du mystère de la vie te de la mort, le cadre de la discussion philosophique permet une écoute, et un échange en vérité.
Est-ce que cela nous rendrait plus heureux d’être immortels ?
- L’immortalité rendrait la vie banale
- L’immortalité serait ennuyante, surtout si elle n’est pas partagée
- L’immortalité amènerait de l’inaction ou de la procrastination
- L’idée d’immortalité est tentante pour connaître ses descendants
- L’immortalité amène la question des âges de la vie : si on est immortel, est-ce qu’on continue à vieillir, ou est-ce qu’on est figé dans un âge en particulier ?
- Ça ne laisse pas la place aux autres. Comment trouver notre place si personne ne la laisse ?
Les adultes ont également discuté du sens que pouvait avoir la mort dans nos vies. On retrouve ici notre tendance «naturelle» à chercher du sens à ce qui nous arrive…
Je remercie chaleureusement les philosophes de ce jour pour leur participation à ces deux ateliers ! Pour ma part, je garde le constat enfantin que «La mort, ça fait beaucoup d'émotions à ceux qui vivent». Alors, bonne ou mauvaise idée, la philo pour vivre un deuil en famille ??
Une réponse sur « La philo pour enterrer ses peurs ? »
Merci encore pour cet atelier qui m’a fait beaucoup de bien